Comment retourner un sous-marin (et votre entreprise)
Un jour, un capitaine a changé les règles du jeu
L’histoire de David Marquet commence par une prise de conscience très concrète.
Capitaine d’un sous-marin nucléaire américain, il observe un jour que la façon dont les ordres circulent… ne tient pas la route.
Dans un sous-marin, tout passe par la chaîne hiérarchique :
le capitaine donne une instruction, son second la répète, puis elle descend jusqu’à la personne qui va l’exécuter.
C’est carré, précis, conforme aux règles.
Mais Marquet remarque quelque chose d’évident :
celui qui exécute connaît mieux la situation que tous ceux qui répètent l’ordre.
Il voit ce qui se passe, comprend les contraintes techniques et sait ce qu’il faut faire.
Alors pourquoi continuer à remonter et redescendre des ordres qui pourraient être décidés directement au plus près de l’action ?
Ce système ralentit tout, crée des erreurs inutiles et prive les équipes de leur propre expertise.
Alors Marquet a pris une décision radicale : inverser la pyramide.
Sur son bâtiment, celui qui sait décide. Celui qui agit détient l’autorité.
Le principe : “Celui qui fait est celui qui sait”
Cette phrase est devenue la signature de Marquet.
Cette inversion, appliquée dans un environnement aussi rigide que l’armée, est une petite révolution.
Car s’il est un monde où la hiérarchie est sacrée, c’est bien celui des sous-marins : une bulle de métal fermée, 150 hommes en vase clos, des procédures millimétrées.
Et pourtant, ça a marché.
Les performances du sous-marin USS Santa Fe ont explosé : meilleure efficacité, plus d’engagement, moins d’erreurs.
Marquet raconte comment cette approche a transformé non seulement son équipage, mais sa vision du commandement.
Le parallèle avec les commandos
Loin d’être un cas isolé, cette expérience rejoint ce que d’autres unités militaires ont compris depuis longtemps.
Les commandos fonctionnent déjà sur un modèle horizontal : chaque membre est expert dans son domaine, leader dans sa spécialité, follower dans celle des autres.
Il n’y a pas de hiérarchie dans l’action, mais une confiance absolue et une orientation totale vers la mission.
Un commando en mission est une équipe auto-organisée, alignée sur un but clair, connectée par la confiance et la maîtrise.
Et qu’est-ce qu’un sous-marin, sinon une équipe en mission ?
Marquet n’a fait qu’appliquer les principes du commandement le plus moderne qui soit : le leadership partagé.
Leçon n°1 : donner l’autorité à ceux qui ont l’information
Dans la plupart des entreprises, c’est l’inverse :
ceux qui font remontent l’information à ceux qui décident, qui la font redescendre ensuite sous forme d’ordres.
Un aller-retour permanent qui ralentit, déresponsabilise et démotive.
Marquet propose une alternative simple :
« Donner l’autorité à ceux qui ont l’information, plutôt que de faire remonter l’information à ceux qui ont l’autorité. »
Ce renversement paraît anodin, mais il bouleverse tout :
il supprime la dépendance, redonne de la confiance et réhabilite le jugement professionnel.
Dans un monde complexe où les décisions doivent être rapides, la centralisation est un handicap.
Celui qui détient la compétence — qu’il soit opérateur, commercial ou technicien — doit pouvoir agir sans attendre l’autorisation.
Leçon n°2 : la confiance n’est pas un supplément d’âme
Dans les organisations traditionnelles, la confiance se gagne lentement et se perd vite.
Chez Marquet, elle devient la matière première du leadership.
Pour que l’équipage ose décider, il fallait d’abord créer un climat psychologique sûr :
droit à l’erreur, retour d’expérience collectif, reconnaissance de la compétence.
Cette confiance a transformé la hiérarchie : le capitaine n’est plus celui qui sait, mais celui qui rend possible l’action.
Le chef devient un facilitateur plutôt qu’un contrôleur.
C’est exactement ce que la sociologie du travail observe aujourd’hui dans les organisations les plus responsabilisantes : plus de clarté sur le cadre, moins d’ingérence sur la méthode.
Leçon n°3 : transformer la culture, pas l’organigramme
Inverser la pyramide n’a de sens que si la culture suit.
On peut distribuer les pouvoirs de décision, mais si la peur du blâme demeure, rien ne change.
Marquet a passé des mois à instaurer de nouveaux réflexes :
- Chaque décision devait être précédée de la phrase “I intend to…” (j’ai l’intention de…) plutôt que “Permission de…”.
- Le rôle du supérieur n’était plus d’autoriser, mais de questionner et soutenir.
- Le langage du contrôle a laissé place à celui de la responsabilité.
Ce rituel simple a transformé la dynamique :
les marins ont cessé d’attendre des ordres, ils ont commencé à prendre des initiatives alignées avec la mission.
Leçon n°4 : redonner du pouvoir, ce n’est pas tout déléguer
Le modèle de Marquet n’est pas une anarchie.
Il repose sur un cadre solide et une vision claire.
C’est parce que la mission du sous-marin était parfaitement connue, partagée et comprise que chacun pouvait agir librement dans son périmètre.
L’autonomie ne signifie pas “chacun fait ce qu’il veut”, mais “chacun sait ce qu’il doit faire pour atteindre l’objectif collectif”.
Cette distinction est cruciale : sans cadre, pas de confiance durable.
Dans l’entreprise, c’est la même logique : l’autonomie n’est possible que si la stratégie est limpide et les valeurs vécues.
Leçon n°5 : la performance est une conséquence, pas un objectif
Ce que Marquet a obtenu n’est pas le fruit d’un plan de performance, mais d’un changement de posture.
En redonnant la main à son équipage, il a libéré l’intelligence collective.
Les résultats sont venus naturellement :
plus de sécurité, moins d’erreurs, plus d’innovation.
Parce que les hommes n’exécutaient plus un ordre ; ils réussissaient une mission.
C’est exactement ce qu’on observe dans les entreprises où le pouvoir d’agir est réel :
la motivation n’a pas besoin d’être stimulée de l’extérieur, elle devient auto-générée par la responsabilité.
Et vous, comment retourner votre sous-marin ?
Chaque organisation, à sa manière, est un sous-marin : un système fermé, plein de compétences, mais parfois engourdi par la hiérarchie.
“Retourner le sous-marin”, ce n’est pas le faire chavirer, c’est le faire remonter à la surface : ramener l’oxygène, la clarté, la confiance.
Quelques pistes simples :
- Posez-vous la question : qui détient l’information dans votre organisation ? Et a-t-il le pouvoir d’en faire quelque chose ?
- Supprimez un niveau de validation. Un seul. Voyez ce que cela change.
- Écoutez les signaux faibles du terrain : c’est souvent là que naissent les meilleures décisions.
L’entreprise moderne ne peut plus se contenter de gérer, elle doit activer.
Et pour cela, elle doit apprendre à rendre la main à ceux qui la font vivre.
En guise de surface
Le modèle de David Marquet n’est pas une méthode miracle, c’est un miroir.
Il nous renvoie cette question : sommes-nous prêts à faire confiance à ceux qui savent ?
Réenchanter le travail, c’est peut-être cela : cesser de chercher des héros qui dirigent, et faire grandir des équipages qui agissent.
L’autorité ne se décrète pas, elle se partage.
Et c’est dans ce partage que le collectif retrouve enfin de l’air.
Chez F Cube, nous accompagnons les dirigeants qui souhaitent redonner du pouvoir d’agir à leurs équipes — non pas en ajoutant des process, mais en cultivant la confiance, la clarté et la responsabilité. Intéressés ? Si oui, cliquez contactez-moi ici.
Le livre de David MARQUET_ Turn the Ship Around !




